Le chêne de Cassouric

Cela fait bien (trop) longtemps que je ne vous ai pas raconté d’histoire de sorcières, me semble-t-il… Corrigeons cela sur le champ ! 🙂

Aujourd’hui, je vous conduis donc en Chalosse, pour une histoire das laquelle les sorcières et le Diable complotent ensemble au cours du Sabbat afin d’empoisonner la fille du marquis de Poyanne.

Autrefois, un jeune homme prénommé Bertrand s’en revenait du marché de Dax, et parcourait la lande à la tombée de la nuit. Il avait entendu des rumeurs au sujet d’un groupe de sorcières qui sévirait dans la région, mais il n’y croyait guère et avançait sans se soucier. Mais à l’approche de ce fameux chêne de Cassouric, il aperçut au loin de petites lumières qui semblaient s’approcher, et il prit peur. Vite, il grimpa dans l’arbre et se cacha dans ses branches.

A peine installé, il vit au pied de l’arbre des femmes jeunes et vieilles se prendre par la main et se mettre à danser en rond tout en bavardant. Alors, un homme tout vêtu de rouge apparut, les yeux brillants, élégant comme un prince. Il s’adressa à l’assemblée :
– Bienvenue Mesdames ! Est-ce que tout le monde est là ?
– Non il en manque une ! répondit l’une d’elle. Ah la voilà qui arrive !
L’intéressée arrivait en courant, tout essoufflée, et s’excusa.
– Pardonnez mon retard, mais c’est que j’étais occupée à empoissonner la fille du Marquis !
– Voilà qui est fort bien, répondit le Diable. A quel remède secret as-tu pensé ?
– Il faudrait pour la guérir tuer la plus belle jument de l’écurie et lui en donner trois gouttes à avaler !
– Ah parfait, ils n’y penseront jamais ! Eh bien dansons maintenant, dit le Diable en levant son violon.
Les sorcières dansèrent jusqu’au petit matin.

Alors notre Bertrand put enfin descendre de son perchoir. Transi de peur, il n’osa raconter à personne son aventure de la nuit, mais le samedi suivant, il entendit parler de la maladie de la pauvre demoiselle de Poyanne, la fille du marquis. Elle se languissait, et on proposait une généreuse récompense à qui saurait trouver le moyen de la guérir. Très sûr de lui, Bertrand demanda immédiatement à voir monsieur le marquis, et lui indiqua le remède. Sitôt dit sitôt fait, la jeune fille fut guérie. On récompensa le jeune homme d’une grosse bourse de pièces d’or. Il acheta une métairie, et son succès fit beaucoup d’envieux autour de lui. En particulier son frère, un jeune un peu simplet, qui n’arrêtait pas de lui demander comment il avait su le fameux remède. N’y tenant plus, Bertrand lui raconta toute l’histoire. Alors son frère, dès la nuit tombée, se précipita vers le Chêne de Cassouric et se cacha dans les branches en attendant l’arrivée des sorcières. Enfin elles arrivèrent, en compagnie du Diable, et l’une d’elles avait le visage tout renfrogné. Le Diable lui demanda :
– Une mauvaise nouvelle ce soir ?
– Ah ça oui ! La fille du marquis est guérie !
– Comment ? Et par qui ?
– Probablement par celui d’en haut, répondit-elle en levant le doigt vers le ciel.
Et voilà le jeune homme tout tremblant qui se croit découvert et qui se met à crier :
– Pas vrai, pas vrai, c’est mon frère !
A ces mots, les lumières s’éteignirent. Tout disparut, et lorsque le jeune homme voulut descendre, il se retrouva au milieu d’une forêt de ronces. Il s’en extirpa tant bien que mal et rentra chez son frère en piteux état.
-Imbécile, lui dit Bertrand. Tu n’as donc pas vu que c’était le Bon Dieu qu’elle désignait ! Va donc au pré garder les vaches, tu n’es bon qu’à rester vacher…
Ce qu’il resta pour le reste de sa vie.

Les sorcières de cette histoire semblent donc avoir pour habitude de se retrouver au pied d’un chêne, ce fameux chêne de Cassouric, afin de célébrer le Sabbat.

De nombreux chênes comme celui-ci, dans les Landes, avaient la réputation de posséder des propriétés magiques. Certains étaient considérés comme bénéfiques, on les vénérait, on ramassait leurs feuilles, leurs glands ou leur écorce pour se porter chance, ou encore guérir certaines maladies. Mais d’autres au contraire, avaient la réputation d’attirer à eux les sorcières et le Diable, comme celui-ci, et on disait qu’il valait mieux ne pas s’en approcher, car on ne s’attirerait alors que des malheurs !

Parmi les chênes « magiques » les plus connus, on compte par exemple le chêne de Saint-Vincent, qui se trouve sur le site du berceau de Saint-Vincent-de-Paul. Ce chêne est très vieux, il aurait plus de 800 ans actuellement, et même si aujourd’hui il n’est plus aussi majestueux qu’autrefois, il est toujours là, toujours bien vivant, verdissant toujours à l’approche du printemps. Pourtant depuis environ 200 ans, ce chêne est creux de l’intérieur, comme s’il était rongé, mais cela n’a pas suffi à venir à bout de cet arbre centenaire. On pourrait presque croire qu’il est immortel… Ce chêne a donc une importance particulière dans le coeur de la population locale, qui le vénère depuis très longtemps. On trouve aujourd’hui, dans le creux de son tronc, une statue de la Vierge Marie, preuve que cet arbre joue un certain rôle dans la spiritualité locale.

Un autre chêne remarquable se trouvait autrefois non loin de là, à Saint-Paul-lès-Dax. C’était le chêne de Quillacq. Il était particulièrement immense, ses larges branches s’étendaient sur plus de douze mètres et ses longues racines sortaient du sol, semblables à des tentacules mouvantes. Il se trouvait sur une zone marécageuse, et une source coulait depuis son tronc. L’eau de cette source avait la réputation, comme tant d’autres, de posséder des vertus guérisseuses, et en particulier d’être efficace en tant qu’antidote contre les empoisonnements.
Malheureusement cet arbre n’existe plus aujourd’hui, il a été abattu en 1925.

chêne de quillac
source

Ces deux chênes ne sont que des exemples parmi tant d’autres, de nombreux arbres dans les Landes ont été vénérés (souvenez-vous du Pin Parleur de Tosse ) et parfois le sont encore aujourd’hui.

Si vous avez d’autres exemples en tête d’arbres magiques ou guérisseurs, n’hésitez pas à nous les faire partager en commentaire ! 🙂

2 réflexions sur “Le chêne de Cassouric

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